
Clôture du chœur © Julie de Lagaye
Les rois mages
Peu après la naissance du Christ, l’évangile de Matthieu (Mt 2, 1‑12) relate la mystérieuse arrivée de mages venus d’orient. Un astre les aurait guidé jusqu’au lieu où se trouve l’enfant Jésus, appelé à être le roi des Juifs.
Cet événement est célébré dans la liturgie sous le nom d’Épiphanie — mot qui vient du grec Ἐπιφάνεια (Epipháneia) signifiant apparition, manifestation (du Christ aux mages) — vers le 6 janvier ou le deuxième dimanche après Noël suivant les pays.
Toutefois, il existe beaucoup de différences entre le texte canonique de l’évangéliste Matthieu et la tradition populaire. Alors que l’évangile se contente de préciser qu’il s’agit de mages venus d’orient, la tradition — notamment avec la crèche de Noël — a, en général, limité leur nombre à trois, en a fait des rois et les a nommé Gaspar, Melchior et Balthazar.
Parmi les textes apocryphes, c’est l’Évangile arabe de l’Enfance — appelé aussi Vie de Jésus en Arabe — qui nous apporte le plus de détails sur l’origine des mages et le sens de leur mission.
La Prophétie de Zoroastre
L’orient, direction du lever du soleil, symbolise la source de la lumière donc de la vérité et de la connaissance. Si tous les textes s’accordent à dire que les mages viennent de l’orient, selon l’Évangile arabe de l’Enfance, ces mages seraient de religion zoroastrienne et viendraient suite à une prophétie de Zoroastre (chapitre 7), prédisant la naissance du Christ.
Zoroastre, appelé aussi Zarathoustra, est un prophète du 1er millénaire av. J.-C. d’Iran qui, suite à des visions, réforme l’ancienne religion d’influence indienne des tribus par une nouvelle religion qui sera nommé le Zoroastrisme — parfois le Mazdéisme — et deviendra la religion officielle des Perses. Dans cette nouvelle religion où le culte du feu est la manifestation du divin, Ahura-Mazda (Ormuzd) est le Grand Créateur de l’Univers, le dieu du Bien qui s’oppose à Ahriman, le dieu du Mal.
Dans l’Avestā, ensemble d’ouvrages sacrés de plusieurs milliers de pages contenant les idées et les hymnes de la religion zoroastrienne, plusieurs prophéties sont annoncées comme la jeune fille Vierge qui enfante un sauveur (Avestā Livre 1, 20, 142) ainsi que l’arrivée d’un Grand Messie victorieux (Avestā Livre 1, 28, 129). Si, dans cet ouvrage, les étoiles sont des marques de la présence divine (Avestā, Livre VIII, 1, 1), l’astre qui guide les mages est aussi lié à une prophétie de Balaam, prophète qui affrontera les Hébreux dans le désert :
Pourquoi trois rois ?
Alors que le nombre des mages n’est pas précisé, dans les textes anciens, les représentations iconographiques mais aussi dans nos crèches de Noël, le nombre de rois mages est souvent limités à trois. Dans la cathédrale de Cologne en Allemagne, une chasse du XIIe siècle contiendrait les reliques de trois mages, ramenées de Perse à Constantinople par sainte Hélène.
Si ce nombre de trois mages s’explique par le besoin d’associer chacun des mages avec les trois présents apportés — or, encens et myrrhe —, le titre de roi, lui provient Tertullien, père de l’Église au IIe siècle, afin de faire participer ces mages étrangers à l’accomplissement de prophéties dans les Écritures annonçant l’arrivée de rois étrangers :
Tarsis peut‑être l’Andalousie en Espagne (bien que non située en orient), Saba est un royaume situé au sud‑ouest de l’Arabie (Yémen actuel) et Seba est entre l’Égypte et le Soudan. Ces trois pays, situés sur les trois continents, vont donner naissance à cette légende de trois rois issus des trois races de l’humanité : l’Europe, l’Asie et l’Afrique, par allusion aux trois fils de Noé peuplant les trois parties du monde (Gn 9, 18‑19).
Si l’Évangile arabe de l’Enfance précise qu’ils avaient des couronnes, qu’ils étaient fils de roi, il va même jusqu’à émettre des hypothèses sur leur nombre :
L’origine du nom des mages
La version arménienne de l’Évangile de l’enfance (5, 10) qui date du VIe siècle, nomment les trois mages Gaspard, Melchior et Balthazar. Par la suite, ces noms seront repris dans plusieurs ouvrages dont ceux du moine bénédictin anglo‑saxo Bède le Vénérable (672‑735).
Balthazar provient de l’hébreux בלטשאצר beletheshatsar, surnom donné à Daniel par le chef des eunuques du roi Nabuchodonosor (Dn 1, 7), ce qui voudrait dire « Baal protège la vie du prince ». Il offre la myrrhe, parfum utilisé pour les funérailles, symbolisant les souffrances des hommes et celles qu’aura le Christ sur la croix.
Gaspard viendrait d’une appellation royale mésopotamienne qui signifie Gardien du Trésor. Il offre l’encens, parfum brûlé au Temple rappelant la divinité du Christ. Gaspard est roi de Saba, pays fournisseur d’Israël en encens (Jr 6, 20).
Melchior vient de l’hébreu מלך (melekh) signifiant Roi et apporterait l’or. Cet or que Melchior révèle par son présent est la royauté du Christ. Sur la clôture du chœur de Notre‑Dame de Paris, le roi le plus âgé est agenouillé, sa couronne d’or posée à terre car, à la différence du roi Hérode, il a compris que son pouvoir et sa science sont insignifiants comparés à la sagesse de cet enfant qui vient de naître.
Au XIVe siècle, les trois rois mages sont associés aux trois âges de la vie comme on peut le voir à Notre‑Dame, mais aussi aux trois continents : Melchior pour l’Europe, Balthazar pour l’Afrique et Gaspard pour l’Asie.
L’universalité des rois mages montrent que la Révélation divine ne se limite pas au peuple Élu mais à l’ensemble de l’humanité. Le Christ est l’espérance de tous les peuples en attente d’un messie.
Quand les mages sont‑ils arrivés à Bethléem ?
Dans la croyance traditionnelle, les mages sont venus adorés l’Enfant‑Jésus quelques jours seulement après sa naissance, d’où la fête de l’Épiphanie quelques jours après Noël et la présence des rois mages dans la crèche.
Dans l’Évangile de l’Enfance du Pseudo-Matthieu, il est précisé que les mages n’arrivent à Bethléem que deux ans après (16, 1) et ils s’inclineront devant l’Enfant‑Jésus dans sa maison, et non dans une étable ou une grotte. De même, si dans l’évangile de Matthieu, les mages cherchent auprès du roi Hérode le roi des Juifs qui vient de naître (Mt 2, 2), Matthieu précise qu’ils virent l’enfant dans une maison :
Ceci expliquerait que le roi Hérode ait fait massacrer tous les enfants de moins de deux ans dans le territoire de Bethléem, et non à Nazareth où la sainte Famille ne s’y installera qu’après le retour d’Égypte (Mt 2, 21‑23). Dans l’Évangile de l’Enfance, Nazareth n’est jamais mentionnée, pas même sur l’origine de Joseph (cf. Lc 1, 26).
Source évangélique
Sources apocryphes
Or, pendant que les mages étaient en chemin, l’étoile leur apparut et, comme pour leur servir de guide, elle les précédait jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à l’endroit où était l’enfant. Or, voyant l’étoile, les mages eurent grande joie et, entrés dans la maison, ils trouvèrent l’enfant Jésus assis sur les genoux de Marie. Alors, ils ouvrirent leurs trésors et donnèrent de très riches présents à Marie et à Joseph, mais à l’enfant lui-même ils offrirent chacun une pièce d’or. Et l’un offrit en outre de l’or, le deuxième de l’encens ci le troisième de la myrrhe. Et quand ils voulurent s’en retourner vers Hérode, ils furent avertis dans un songe de ce qu’Hérode avait en vue. Alors, ils adorèrent une seconde fois l’enfant et, tout joyeux, retournèrent dans leur pays par un autre chemin.
Leurs rois et leurs chefs se réunirent autour d’eux et leur dirent : « Qu’est-ce donc que vous avez vu et fait ? Comment se sont passés votre voyage et votre retour? Et à quoi faites-vous cortége? » Et ils leur montrèrent le lange que sainte Marie leur avait donné. A ce propos, ils célébrèrent une fête; ils allumèrent un feu, suivant leur coutume, et ils l’adorèrent. Ils y jetèrent ce lange : le feu y prit et le pénétra. Quand le feu se fut éteint, ils retirèrent le lange : il était dont le même état qu’auparavant, comme si le feu ne l’avait pas touché (cf. Dan 3. 50). Et ils se mirent à le baiser et à le poser sur leurs yeux, et ils dirent : » Le fait est, sans aucun doute, que voila un grand prodige : le feu n’a pu le consumer ni l’endommager. » Ils le prirent et le conservèrent précieusement chez eux, avec une vénération profonde.