Clôture du chœur — La fuite en Égypte

L’arrivée de la Sainte Famille en Égypte provoque la chute des idoles égyptiens
Clôture nord du chœur © Julie de Lagaye

La Fuite en Égypte

La fuite en Égypte est un passage de l’évangile de Matthieu (Mt 2, 13‑20) décrivant le départ de la famille de Joseph, Marie et Jésus en Égypte pour fuir les persécutions du roi Hérode qui entraîneront le massacre des Innocents.

Si l’évangile de Matthieu se contente de décrire les raisons du départ de la Sainte famille ainsi que son retour après la mort d’Hérode, l’évangéliste ne donne aucune précision sur ce qui s’est passé pendant ce séjour en Égypte.

Heureusement, des textes apocryphes comme l’Évangile du Pseudo‑Matthieu, à la fin du vie siècle et l’Évangile arabe de l’Enfance, d’origine syrienne et datant du viie siècle, apportent de nombreux détails sur cette période.

Ainsi, par l’Évangile du Pseudo‑Matthieu on y apprend que l’enfant Jésus, bien qu’âgé de seulement deux ans, arrive à apprivoiser des dragons qui agressaient sa famille dans une grotte (18, 1), des bêtes sauvages se mettent au service de sa famille (19, 1), Jésus demande à un palmier d’approvisionner sa mère qui a soif (20, 2) et surtout, en entrant dans une ville appelée Sohennen — ou Sotinen suivant les versions — toutes les idoles égyptiennes, 365 en tout comme les 365 jours de l’année, sont envoyées à terre. Délivrés de leurs idoles, de nombreux citoyens de la ville, dont le gouverneur, appelé Afrodisius, Frodosius ou Frondosius suivant les versions, se convertissent.

C’est ce passage qui a été sculpté dans la clôture nord du chœur de Notre‑Dame de Paris : Marie et l’enfant sont sur un âne que guide saint Joseph et, devant eux, à leur approche, dans une sorte de sanctuaire, deux statuettes en or vacillent et s’apprêtent à tomber.

Ceci marque l’accomplissement d’une prophétie d’Isaïe :

Les faux dieux d’Égypte chancellent devant lui et le cœur de l’Égypte défaille en elle.
Isaïe 19, 1

L’Évangile arabe de l’Enfance apporte quelques précisions sur cet événement, mentionnant qu’il s’agit d’un tremblement de terre provoqué par la venue de l’Enfant‑Jésus, véritable Dieu caché :

Les prêtres et les docteurs se réunirent alors vers l’idole disant : « Quel est ce tremblement qui s’est produit dans notre terre ? » Elle leur répondit : « Il y a un Dieu caché qui a un fils semblable caché auprès de lui ; à cause du passage de ce dernier dans cette terre, celle‑ci a été secouée et a tremblé ; et, à cause de l’intensité de sa lumière, les dieux sont tombés. »
Évangile arabe de l’Enfance 10, 4‑5

Les Égyptiens décident alors d’élever une statue et de l’appeler « le caché », « le mystérieux » (10, 6) comme le feront les grecs à Athènes en dédiant un temple au dieu inconnu. (Ac 17, 23)
D’ailleurs, le prophète Ézéchiel rappelle que c’est en Égypte que Dieu s’est révélé à son peuple :

Je me suis fait connaître à eux au pays d’Égypte, et j’ai levé la main vers eux en disant : « Je suis Yahvé votre Dieu. »
Ézéchiel 20, 5

Ainsi, la terre d’Égypte, très ancienne civilisation avec ses rites et ses mystères et où l’Enfant-Jésus passera de Dieu caché à Dieu révélé, apparaît donc comme une terre d’initiation, passage nécessaire pour de nombreux patriarches et prophètes comme Abraham (Gn 12, 10), Joseph fils de Jacob (Gn 39, 1), Moïse (Ex 4, 19), etc. C’est exactement ce que révèle Ben Sira dans le prologue de son livre, le Siracide, au iie siècle av. J.-C. :

C’est en l’an 38 du feu roi Évergète [Ptolémée VII] qu’étant venu en Égypte et y ayant séjourné, j’y découvris une vie conforme à une haute sagesse.
Prologue du Siracide

Source évangélique

Après leur départ, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; restes-y jusqu’à nouvel ordre, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Égypte. Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, pour que s’accomplisse ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : D’Égypte, j’ai appelé mon fils. […] Après la mort d’Hérode, l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph, en Égypte, et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et mets-toi en route pour la terre d’Israël ; en effet, ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’enfant. »
Mt 2, 13‑15 ; 19‑20

Sources apocryphes

Mais aussitôt que Marie entra dans le temple avec son petit enfant, il advint que toutes les statues se renversèrent, et toutes ces idoles, gisant à terre, révélèrent qu’elles n’étaient rien. Alors fut accomplie la parole du prophète : « Voici que le SEIGNEUR viendra sur une nuée légère, et tous les ouvrages des Égyptiens chancelleront devant sa face. »
Évangile de l’Enfance du Pseudo-Matthieu, 23
Les prêtres et les docteurs se réunirent alors vers l’idole disant : « Quel est ce tremblement qui s’est produit dans notre terre ? » Elle leur répondit : « Il y a un Dieu caché qui a un fils semblable caché auprès de lui ; à cause du passage de ce dernier dans cette terre, celle‑ci a été secouée et a tremblé ; et, à cause de l’intensité de sa lumière, les dieux sont tombés. »
Évangile arabe de l’Enfance (Vie de Jésus en Arabe), 10, 4‑5