
Portail Sainte-Anne © Julie de Lagaye
Naissance de Jésus
Si l’évangile de Luc souligne le côté merveilleux de la présence des anges lors de la Nativité du Christ, le Protévangile de Jacques et l’Évangile du Pseudo‑Matthieu racontent la naissance de l’enfant Jésus à Bethléem avec beaucoup d’autres détails fantastiques et merveilleux.
Le Protévangile va jusqu’à décrire un arrêt du temps aperçu par Joseph alors qu’il allait chercher une sage‑femme :
Ce passage montre que, du ciel à la terre, tout se fige d’étonnement devant la naissance du Christ, y compris le temps lui‑même. Heureusement, Joseph peut continuer sa mission et finit par trouver une sage‑femme.
Celle‑ci, très surprise de voir une vierge qui enfante, en parlera à une amie, Salomé, qui est incrédule :
Comme elle a tenté Dieu, elle perd sa main brûlée par le feu. Heureusement, sa main guérira en prenant l’enfant Jésus dans ses bras.
De plus, la Nativité de Jésus dans une grotte en présence d’un âne et d’un bœuf, n’est mentionnée dans aucun évangile canonique mais présent dans toutes les représentations de la crèche de Noël. L’évangile de Luc se contente de mentionner la crèche (Lc 2, 7).
La grotte provient du Protévangile et du Pseudo‑Matthieu. Elle évoque un lieu sombre et initiatique dans lequel l’impétrant doit faire face à lui‑même pour se préparer à découvrir la véritable Lumière. C’est pourquoi, le Pseudo-Matthieu évoquera une grande clarté qui surgira de la grotte au moment de la naissance du Christ (Pseudo‑Matthieu 13, 2)
En ce qui concerne l’âne et le bœuf, le Pseudo‑Matthieu rappelle qu’ils sont tirés d’une prophétie d’Isaïe :
Complété par Habaquq qui aurait évoqué deux animaux :
En réalité, ce passage n’apparaît pas dans les traductions récentes de la Bible mais dans sa version grecque, la Septante.
Sur le tympan de Notre-Dame, on y retrouve la présence des anges et des bergers, comme dans l’évangile de Luc et de l’âne et du bœuf comme dans les apocryphes. Toutefois, Marie est représentée allongée dans un lit un peu trop luxueux pour une naissance dans une étable et Joseph, il médite, assis sur trône surmontant une cité qui rappelle la Cité Sainte de Jérusalem. Ces détails, s’ils négligent l’humble dimension de la condition humaine du Christ, préfigurent sa royauté qui arrivera à la fin des temps, en même temps que la Jérusalem céleste.
Mais tous ses détails merveilleux n’ont qu’un seul objectif, ne pas nous faire oublier que l’élément le plus extraordinaire et le plus incroyable de cette histoire est la naissance d’un Sauveur
Sources évangéliques
Elle enfanta son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche, parce qu’ils manquaient de place dans la salle. Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L’Ange du Seigneur se tint près d’eux et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa clarté ; et ils furent saisis d’une grande crainte.
Mais l’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. »
Et soudain se joignit à l’ange une troupe nombreuse de l’armée céleste, qui louait Dieu, en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance ! »
Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, que les bergers se dirent entre eux : « Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître. »
Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche.
Ayant vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit de cet enfant ; et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.
Sources apocryphes
Ils étaient à mi-chemin, quand Marie lui dit : « Joseph, aide-moi à descendre de l’âne. L’enfant, en moi, me presse et va naître. » Il lui fit mettre pied à terre et lui dit : « Où t’emmener ? Où abriter ta pudeur ? L’endroit est à découvert. »
Mais il trouva là une grotte, l’y conduisit et la confia à la garde de ses fils. Puis il partit chercher une sage-femme juive dans le pays de Bethléem.
« Or moi, Joseph, je me promenais et ne me promenais pas. Et je levai les yeux vers la voûte du ciel et je la vis immobile, et je regardai en l’air et je le vis figé d’étonnement. Et les oiseaux étaient arrêtés en plein vol. Et j’abaissai mes yeux sur la terre et je vis une écuelle et des ouvriers étendus pour le repas, et leurs mains demeuraient dans l’écuelle. Et ceux qui mâchaient ne mâchaient pas et ceux qui prenaient de la nourriture ne la prenaient pas et ceux qui la portaient à la bouche ne l’y portaient pas Toutes les faces et tous les yeux étaient levés vers les hauteurs.
Et je vis des moutons que l’on poussait, mais les moutons n’avançaient pas. Et le berger levait la main pour les frapper, et sa main restait en l’air. Et je portai mon regard sur le courant de la rivière et je vis des chevreaux qui effleuraient l’eau de leur museau, mais ne la buvaient pas.
Soudain la vie reprit son cours.
Et je vis une femme qui descendait de la montagne et elle m’interpella : “ Eh, l’homme, où vas-tu ? ” Je répondis : “ Je vais chercher une sage-femme juive. ”
“ Es-tu d’Israël ? ” me demanda-t-elle encore.
Oui, lui dis-je. Elle reprit : “ Et qui donc est en train d’accoucher dans la grotte ? ”
Et je lui dis : “ C’est ma fiancée. Elle n’est donc pas ta femme ? ” demanda-t-elle.
Et je lui dis : “C’est Marie, celle qui a été élevée dans le temple du Seigneur. J’ai été désigné pour l’épouser, mais elle n’est pas ma femme, et elle a conçu du Saint-Esprit. ” »
Et la sage-femme dit : « Est-ce la vérité ? » Joseph répondit : « Viens et vois. »
Et elle partit avec lui, et ils s’arrêtèrent à l’endroit de la grotte. Une obscure nuée enveloppait celle‑ci.
Et la sage-femme dit : « Mon âme a été exaltée aujourd’hui car mes yeux ont contemplé des merveilles : le salut est né pour Israël. »
Aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière resplendit à l’intérieur, que nos yeux ne pouvaient supporter. Et peu à peu cette lumière s’adoucit pour laisser apparaître un petit enfant. Et il vint prendre le sein de Marie sa mère.
Et la sage-femme s’écria : « Qu’il est grand pour moi ce jour ! J’ai vu de mes yeux une chose inouïe. »
Et la sage-femme sortant de la grotte, rencontra Salomé et elle lui dit : « Salomé, Salomé, j’ai une étonnante nouvelle à t’annoncer : une vierge a enfanté, contre la loi de nature. »
Et Salomé répondit : « Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je ne mets mon doigt et si je n’examine son corps, je ne croirai jamais que la vierge a enfanté. »
Et la sage-femme entra et dit : « Marie, prépare-toi car ce n’est pas un petit débat qui s’élève à ton sujet. »
À ces mots, Marie se disposa. Et Salomé mit son doigt dans sa nature et poussant un cri, elle dit : « Malheur à mon impiété et à mon incrédulité ! disait-elle, j’ai tenté le Dieu vivant ! Et voici que ma main se défait, sous l’action d’un feu. »
Et Salomé s’agenouilla devant le Maître, disant : « Dieu de mes pères, souviens-toi que je suis de la lignée d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Ne m’expose pas au mépris des fils d’Israël, mais rends-moi aux pauvres. Car tu sais, ô Maître, qu’en ton nom je les soignais, recevant de toi seul mon salaire. »
Et voici qu’un ange du Seigneur parut, qui lui dit : « Salomé, Salomé, le Maître de toute chose a entendu ta prière. Étends ta main sur le petit enfant, prends-le. Il sera ton salut et ta joie. »
Et Salomé, toute émue, s’approcha de l’enfant, le prit dans ses bras, disant : « Je l’adorerai. Il est né un roi à Israël et c’est lui. »
Aussitôt Salomé fut guérie, et elle sortit de la grotte, justifiée.
Et voici qu’une voix parla : « Salomé, Salomé, n’ébruite pas les merveilles que tu as contemplées, avant que l’enfant ne soit entré à Jérusalem. »
Et, après avoir dit cela, il fit arrêter la monture et invita Marie à descendre de la bête et à entrer dans une grotte où régnait une obscurité complète, car elle était totalement privée de la lumière du jour. Mais, à l’entrée de Marie, toute la grotte se mit à briller d’une grande clarté, et, comme si le soleil y eût été, ainsi elle commença tout entière à produire une lumière éclatante, et, comme s’il eût été midi, ainsi une lumière divine éclairait cette grotte. Et cette lumière ne s’éteignit ni le jour ni la nuit, aussi longtemps que Marie y accoucha d’un fils, que des anges entourèrent pendant sa naissance, et qu’aussitôt né et debout sur ses pieds ils adorèrent en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »
Et Joseph, trouvant Marie avec l’enfant qu’elle avait mis au monde, lui dit : « Je t’ai amené la sage-femme Zahel, qui se tient à l’extérieur de la grotte, car elle ne peut pas y entrer à cause de la trop grande clarté. » À ces mots, Marie sourit. Mais Joseph lui dit : « Ne souris pas, mais prends soin qu’elle puisse t’examiner, pour voir si tu n’as pas besoin du secours de sa médecine. » Et Marie l’invita à entrer. Et, quand Marie lui eut permis l’examen, la sage-femme s’écria a haute voix et dit : « Seigneur grand, pitié ! Jamais on n’a entendu ni même soupçonné que des seins soient remplis de lait alors que le fils qui vient de naître manifeste la virginité de sa mère. Ce nouveau-né n’a connu nulle souillure de sang, l’accouchée n’a éprouvé nulle douleur. La vierge a enfanté et après l’enfantement continue d’être vierge. »
Entendant ces paroles, une autre sage-femme nommée Salomé dit : « Certes, moi je n’y croirai pas, à moins que je ne l’aie constaté moi-même. » Et, s’étant approchée de Marie, elle lui dit : « Permets que je t’examine, afin que je sache si les paroles que Zahel m’a adressées sont vraies. » Après que Marie l’eut autorisée à l’examiner, dès qu’elle eut retiré sa main droite, celle-ci se dessécha, et Salomé fut oppressée de douleur, et elle s’écria en pleurant : « Seigneur, tu sais que je t’ai toujours craint et que j’ai soigné tous les pauvres sans me soucier de la rétribution. De la veuve et de l’orphelin je n’ai rien accepté, et jamais je n’ai laissé partir l’indigent les mains vides. Et voilà que je suis devenue malheureuse à cause de mon incrédulité, parce que j’ai osé mettre à l’épreuve ta vierge, qui a enfanté la lumière et est restée vierge après cet enfantement. »
Et, pendant qu’elle parlait ainsi, un jeune homme resplendissant de lumière apparut auprès d’elle et dit : « Approche-toi de l’enfant et adore-le, touche-le de ta main et il te guérira, car il est le Sauveur de tous ceux qui espèrent en lui. » Et aussitôt Salomé s’approcha en adorant l’enfant et elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé. Et du coup sa main fut guérie. Et, sortant au-dehors, elle se mit à crier et à raconter les miracles qu’elle avait vus, ce qu’elle avait souffert et comment elle avait été guérie, en sorte que beaucoup reçurent la foi par sa prédication.
Des bergers de brebis affirmaient aussi qu’ils avaient vu, au milieu de la nuit, des anges chantant des hymnes à Dieu, et que, de leur bouche, ils avaient appris que le Sauveur des hommes, le Christ Seigneur, était né, en qui serait rétabli le salut d’Israël.
De plus, du soir au matin, une grande étoile resplendissait. Cette étoile annonçait la naissance du Christ qui, selon la promesse, viendrait sauver non seulement Israël, mais toutes les nations.
Or, deux jours après la naissance du Seigneur, Marie quitta la grotte, entra dans une étable et déposa l’enfant dans une crèche, et le bœuf et l’âne, fléchissant les genoux, adorèrent celui-ci. Alors furent accomplies les paroles du prophète Isaïe disant : « Le bœuf a connu son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître » (Is 1.3), et ces animaux, tout en l’entourant, l’adoraient sans cesse. Alors furent accomplies les paroles du prophète Habaquq disant : « Tu te manifesteras au milieu de deux animaux. » (Hab 3, 2) Et Joseph et Marie, avec l’enfant demeurèrent au même endroit pendant trois jours.