Notre-Dame de Paris

Une œuvre de foi

Notre-Dame de Paris vue de la tour Zamansky
© Dominique de Lagaye

1163 est la date retenue pour la pose de la première pierre à Notre‑Dame de Paris. Devant la nombreuse foule des fidèles et des bâtisseurs présents, trois personnalités auraient participé à l’événement : le roi de France Louis VII, l’évêque Maurice de Sully et le pape Alexandre III. Le roi Louis VII le Jeune (1120-1137-1180), souhaite redonner un élan à la chrétienté dans son royaume. Dans son immense tâche, il a été conseillé par l’abbé Suger à qui l’on doit le développement de l’art gothique en France avec la basilique Saint-Denis.

En faisant construire cette cathédrale au cœur de son royaume, le roi révèle l’enseignement de Dieu annoncé par le proverbe biblique : « La gloire de Dieu, c’est d’agir dans le mystère et la gloire des rois, c’est de comprendre les choses. » (Pr 25, 2). Le roi va donc participer à la révélation de ce Dieu fait homme. Évêque de Paris depuis 1160, successeur des apôtres, Maurice de Sully, est l’édificateur de la communauté chrétienne sur le plan matériel. C’est lui le maître d’ouvrage de la nouvelle cathédrale, il s’occupe du financement et de l’organisation du chantier : « Qui de vous en effet, s’il veut bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? » (Lc 14, 28). Quant au pape Alexandre III, pape de 1159 à 1181, il cherche à asseoir son pouvoir spirituel sur de solides bases matérielles face à l’empereur Romain-Germanique Frédéric Barberousse qui l’obligera à se réfugier à Sens : « Chacun des bâtisseurs, tandis qu’il travaillait, portait son épée attachée aux reins. » (Ne 4, 12). À travers leur domaine royal, diocésain ou spirituel, ces trois grands seigneurs participaient à la construction de Notre‑Dame de Paris que pour un seul objectif : édifier leur domaine dans une seule foi autour d’un seul Dieu.

Un temple romain dans l’Antiquité

Pilier des Nautes — Dieu Esus
(Musée de Cluny)
© Dominique de Lagaye

Le site actuel de l’île de la cité était déjà vénéré durant l’Antiquité avec un temple dédié à Jupiter, le Dieu des Dieux de l’antiquité romaine. Cette présence a été confirmée par la découverte sous le chœur de Notre-Dame en 1711 d’un pilier Gallo-romain des Nautes érigé au Ier siècle ap. J.-C. et qui, au début du XXIe siècle, était conservé au musée de Cluny à Paris.

La basilique mérovingienne de Childebert

Colonne de la basilique
Saint-Étienne à Paris
(Musée Carnavalet)
© Dominique de Lagaye

Le roi Childebert (511-558), le successeur de Clovis, soucieux de christianiser le royaume, fait construire une basilique dédiée à Saint‑Étienne, le premier martyr. Une église dédiée à Notre‑Dame, complète cette basilique primitive. Ces deux édifices seront remplacés par la cathédrale actuelle. L’emplacement des limites de l’ancienne basilique mérovingienne apparaît sur les pavés du parvis.

Les bâtisseurs de la cathédrale

À partir de 1258, Pierre de Montreuil érige les chapelles de l’abside, et Jean Ravy les arcs‑boutants de 1318 à 1344
© Julie de Lagaye

La construction de Notre-Dame de Paris est relativement rapide puisqu’elle ne durera que de 1163 à 1250, date de l’achèvement des tours. Mais les travaux d’agrandissement des transepts ainsi que la construction de chapelles allaient se dérouler jusqu’au milieu du XIVe siècle. Parmi les maîtres d’œuvre de la cathédrale on trouve Jean de Chelles, pour le croisillon nord du transept et, à partir de 1258, Pierre de Montreuil, auteur de la Sainte-Chapelle à Paris, qui érigera les chapelles de l’abside, et Jean Ravy de 1318 à 1344, pour les arcs‑boutants.

L’autel est consacré dès 1182 par le légat du pape, le cardinal Henri de Château-Marçay. Le 17 janvier, dans le chœur de la cathédrale, en présence de l’évêque Maurice de Sully, Héraclius d’Auvergne, patriarche de Jérusalem officiait dans le chœur et y prêchait la troisième croisade pour encourager les rois Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion à affronter Saladin. Ainsi, par l’importance de cette cérémonie montrait la renommée internationale de la cathédrale, comme point de départ de la reconquête chrétienne.

Le 18 août 1239, le roi saint Louis et son frère Robert, vêtus d’une simple tunique, y déposent la couronne d’épines avant de faire construire la Sainte‑Chapelle. La couronne d’épines reviendra à Notre-Dame de Paris en 1804 où elle y est précieusement gardée par les chevaliers du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Ce sont eux  qui organisent sa vénération les premiers vendredis du mois et tous les vendredis pendant le carême.

Point zéro

Point zéro des routes de France sur le parvis de Notre-Dame de Paris, posé en 1924
© Dominique de Lagaye

En 1768, le roi Louis XV adopte le parvis de Notre-Dame de Paris pour calculer toutes les distances des routes de France.  Or, ce point zéro, s’il était à l’emplacement d’une ancienne potence destinée à exposer les  criminels, est également à proximité du baptistère de l’ancienne basilique Saint-Étienne. Que ce soit le baptistère de la basilique Saint-Étienne ou le point zéro des routes de France — tous deux octogonaux — les deux encouragent le fidèle à se mettre en route dans leur nouvelle vie.

Une discrète plaque octogonale, datant de 1924, marque l’emplacement de ce point sur le parvis de Notre-Dame.

La cathédrale et la révolution de 1789

Les statues des rois de la façade ont été jetées sur le parvis en 1792
© Julie de Lagaye

C’est au XVIIIe siècle que la cathédrale subira le plus de dégradation, le moyen-âge étant considéré comme une époque barbare (d’où le nom d’art gothique).

En 1792, la flèche, qui menaçait ruine, fut abattue et son plomb servit à faire des balles. Les fleurs de lis, insignes de la royauté, les armoiries, etc. sont effacées.

En 1793, une corde est passée autour du cou des statues des rois de la façade occidentale,  pour les faire basculer et se briser sur le parvis. Notre-Dame deviendra, cette même année, Temple de la Raison pour y accueillir le culte de la déesse de la Raison, puis elle sera dédiée au culte de l’Être Suprême en 1794. Heureusement, elle ne sera pas détruite comme de nombreux autres édifices religieux et sera réhabilitée en 1802, le pape Pie VII qui lui accordera le titre de basilique mineur le 27 février 1803.

Le 3 mai 1814, le roi Louis XVIII entre à Paris et va prier à Notre‑Dame, pour remercier la Vierge Marie, protectrice de la France d’avoir libéré le royaume et permis la restauration des Bourbons.

La restauration de la cathédrale

Flèche de Notre-Dame reconstruite par Georges dit l’Angevin en 1859
© Dominique de Lagaye

Mais, faute de moyens financiers et politiques, la cathédrale ne cessait de se dégrader. Dès 1844, grâce aux campagnes de soutien de l’historien Jules Michelet, l’inspecteur des Monuments historiques Prosper Mérimée, l’écrivain Victor Hugo et beaucoup d’autres, moins par conviction religieuse que pour préserver le patrimoine français, d’importantes restaurations furent entreprises de 1845 à 1864 par les architectes Jean‑Baptiste Lassus puis Eugène Viollet-le-Duc . C’est grâce à ces campagnes que la cathédrale retrouve son aspect médiéval notamment avec la restitution du trumeau du Christ sur le portail central et la réfection des statues.

En 1859, pour la reconstruction d’une nouvelle flèche en remplacement de celle abattue en 1792,  Eugène Viollet-le-Duc fera appel à Georges dit l’Angevin,  compagnon charpentier du Devoir de Liberté.

La Commune de Paris

Monseigneur Georges Darboy, archevêque de Paris, est arrêté le 4 avril 1871 par les Communards de la Commune de Paris qui le fusilleront le 24 mai 1871, pendant la semaine sanglante, à la prison de la Roquette.

Dans leur folie meurtrière, après avoir incendié de nombreux bâtiments de la capitale et des environs — Tuileries, Archives Nationales, Hôtel de Ville, etc. — les Communards tentent d’incendier la cathédrale, également le 24 mai 1871, en empilant des chaises qu’ils arrosent de pétrole. Mais les internes de l’Hôtel‑Dieu, sous la direction du docteur Paul Brouardel, spécialiste de la médecine légale, entrent dans la cathédrale avec un pompier, arrivent à éteindre l’incendie et sauvent ainsi la cathédrale.

Cérémonies à Notre‑dame

Beffroi (à gauche) et gradins (à droite) montés pour les cérémonies du 850e anniversaire de la cathédrale, en 2013
© Julie de Lagaye

Notre‑Dame de Paris s’associe à la joie des parisiens et donc de la France. Des cérémonies s’y déroulèrent pour célébrer la libération de la capitale des Anglais par le roi Charles VII le 12 novembre 1447, la fin de la guerre civile avec le roi Henri IV le 22 mars 1594, la restauration des Bourbons avec le roi Louis XVIII le 3 mai 1814 et le 26 août 1944, pour la libération de Paris par la 2e Division Blindée du général Leclerc. Alors que les balles sifflent encore, le général de Gaulle, impassible, entonne le Magnificat dans la cathédrale, suivit par l’assistance qui rend ainsi hommage à la Vierge Marie, protectrice du pays.

Le 7 novembre 1455 eut lieu, à Notre‑Dame de Paris, le procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, elle deviendra une sainte protectrice de la France, attestant ainsi que le roi Charles VII ne tient pas son royaume d’une sorcière mais bien de Dieu.

Des cérémonies de mariage y sont célébrées comme celui du roi François II avec Marie Stuart en 1558. Lors du mariage d’Henri de Navarre — futur Henri IV — avec Marguerite de Valois, le futur roi Henri IV, étant protestant, restera dans la cour de l’évêché.

Les sacres étaient plus rares. Effectivement les rois des anciennes dynasties étaient souvent sacrés à Reims, lieu de la conversion de Clovis au christianisme. Toutefois, quelques‑uns eurent lieu à Notre‑Dame, comme le roi Henri VI d’Angleterre, le 16 décembre 1430 et le premier Consul Bonaparte le 2 décembre 1804.

Source de joies avec les mariages, la cathédrale peut-être lieu de tristesse avec les funérailles des grands seigneurs de France comme celles des rois Charles VII en 1461, François Ier en 1547, Louis XV en 1774, Philippe V roi d’Espagne en 1746. Même en République, des funérailles y eurent lieu dont, notamment, celles du Général de Gaulle, le 12 novembre 1970, le Président Georges Pompidou, le 6 avril 1974, et même le Président François Mitterrand, le 11 janvier 1996. Bien que républicaine et laïque, la France a besoin de conserver ce lien sacré et éternel qui l’unit à Dieu à travers la cathédrale du Royaume, Notre‑Dame de Paris.

Notre‑Dame de Paris n’est pas l’apanage des grands de France. C’est ici même que Frédéric Ozanam, est béatifié le 17 août 1997 par le Pape Jean‑Paul II lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris. La béatification de cet étudiant en Droit et en Lettre, fondateur de la Société Saint Vincent de Paul en 1833, est un encouragement à l’authenticité de l’engagement chrétien dans la charité.

En 2013 eurent lieu de grandes cérémonies pour fêter les 850 ans du début de la construction de la cathédrale. Pour cette occasion des gradins avaient été montés afin de contempler face à face les tympans des portails de la cathédrale. De même, un beffroi avait été édifié avec cette citation « Via ambulatores quaerit » — Je suis la voie qui cherche des marcheurs — nous invitant à suivre, à parcourir cette route de notre vie qui amène vers Dieu ; c’est la route du Christ « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14, 6), celle qui mène du baptême à la Résurrection.

Un axe entre le ciel et la terre

Notre-Dame de Paris le soir,
sa façade tournée vers l’occident, le coucher du soleil,
est le lieu d’équilibre
entre le jour et la nuit.
© Julie de Lagaye

À travers son histoire, la Cathédrale est donc la transcription sur le plan terrestre de notre perception du divin. Elle établit un axe entre le Ciel et la terre, le jour et la nuit, le Macrocosme, l’univers, et le Microcosme, les hommes, d’où leur nécessité de passer par Notre‑Dame de Paris pour donner une dimension sacrée à leur destin. Sa façade occidentale, tournée vers l’occident où se couche le soleil, est le  lieu d’équilibre entre le jour et la nuit. Cet équilibre, entre les contraires se réalise à travers le Christ, Dieu fait homme, ce chemin initiatique vers la lumière divine nous est révélé par les symboles et les récits des pierres de la cathédrale.

Pour illustrer ces récits les artistes vont s’inspirer de sources connus, les textes bibliques, mais aussi de sources inconnues, cachées, notamment les apocryphes ou d’autres traditions très anciennes. Ce sont ces symboles et ces récits que nous allons découvrir ensemble à Notre-Dame de Paris.