Portail Sainte-Anne 14 — Arrivée des rois mages

Les mages demandant leur route au roi Hérode
Portail Sainte-Anne © Julie de Lagaye

Arrivée des mages

Les mages venus adorer l’enfant Jésus sont souvent représentés par trois personnes ayant des couronnes en signe de royauté. Toutefois, l’évangile de Matthieu ne nous donne aucune précision sur leur nombre ou leur royauté, seulement qu’ils venaient d’Orient :

Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem. (Mt 2, 1)

Mage vient du grec μάγος (magos) et désigne des hommes sages, ayant une grande connaissance des lois de la nature terrestre et des mouvements célestes, d’où leur réputation d’astrologue. Sur le tympan de Notre-Dame de Paris, l’allure des mages, leur coiffure, leur barbe évoque des orientaux pleins de majesté et de sagesse. Cette description est proche de l’Évangile arabe de l’Enfance, texte apocryphe du VIIe siècle où se mêlent les influences arabes, nestoriennes et zoroastriennes. Cet apocryphe nous en apprend beaucoup plus sur ces mages que le Protévangile de Jacques ou l’Évangile du Pseudo‑Matthieu dans lequel ils sont assez proches de l’évangile de Matthieu. Pour l’Évangile arabe de l’Enfance, les mages auraient reçu l’enseignement du réformateur religieux persan Zoroastre (Zarathoustra) qui avait prédit la naissance d’un roi né d’une Vierge dont le signe sera une étoile à l’orient (Évangile arabe de l’Enfance, chapitre I), reprenant ainsi la prophétie de Balaam :

Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël. (Nb 24, 17)

Toutefois, ce texte n’évoque pas leur royauté. Celle‑ci vient de Tertullien (155-22), père de l’Église, qui les présente comme des rois pour confirmer la réalisation des écritures :

Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. (Is 60, 3)

et

Les rois de Tarsis et des îles enverront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront offrande ; tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront. (Ps 72 (71), 10‑11)

Leur nombre de trois — mais qui peut varier suivant les lieux — provient du théologien Origène (185-250 env.) qui nous enseigne qu’ils étaient trois car ils ont offert trois cadeaux.

Mais où eut lieu l’Adoration ? Si l’évangéliste Luc mentionne la naissance dans une crèche à cause du manque de place (Lc 2, 7-16), Matthieu explique clairement qu’elle eut lieu dans une maison :

Entrant alors dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère… (Mt 2, 11)

La tradition de l’Adoration des mages dans une grotte provient du Protévangile de Jacques:

Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les conduisit jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à la grotte, et elle se tint sur la tête de l’enfant. (21, 3)

La grotte, comme la caverne, est le symbole du lieu de la mort initiatique donnant naissance à une nouvelle vie, elle évoque le passage des ténèbres à la lumière. Dans l’Évangile de l’Enfance du Pseudo-Matthieu, les mages n’arrivent que deux ans après (16, 1) à Bethléem. Voilà pourquoi ils virent l’enfant dans une maison et non dans une grotte et surtout, cela expliquerait pourquoi le roi Hérode voulut éliminer tous les enfants jusqu’à deux ans. Pour échapper à ce massacre, le Protévangile précise que Marie cacha l’enfant Jésus dans une mangeoire. Quant à son cousin Jean, Élisabeth le cacha dans une montagne qui se fendit pour l’accueillir et le protéger.

Sources évangéliques

Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage. »

L’ayant appris, le roi Hérode s’émut, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres avec les scribes du peuple, et il s’enquérait auprès d’eux du lieu où devait naître le Christ.

« À Bethléem de Judée, lui dirent-ils ; ainsi, en effet, est-il écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement le moindre des clans de Juda ; car de toi sortira un chef qui sera pasteur de mon peuple Israël. »

Alors Hérode manda secrètement les mages, se fit préciser par eux le temps de l’apparition de l’astre, et les envoya à Bethléem en disant : « Allez‑vous renseigner exactement sur l’enfant ; et quand vous l’aurez trouvé, avisez-moi, afin que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage. »

Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route ; et voici que l’astre, qu’ils avaient vu à son lever, les précédait jusqu’à ce qu’il vînt s’arrêter au-dessus de l’endroit où était l’enfant.

À la vue de l’astre ils se réjouirent d’une très grande joie.

Entrant alors dans le logis, ils virent l’enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, ils prirent une autre route pour rentrer dans leur pays.

Matthieu 2, 1‑12

Sources apocryphes

Alors que Joseph se préparait à partir pour la Judée, une vive agitation éclata à Bethléem de Judée. Les mages arrivèrent, disant : «  Où est le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. »

Cette nouvelle alarma Hérode qui dépêcha des serviteurs, les convoqua et ils le renseignèrent sur l’étoile. Et voici, ils virent des astres en Orient et ils les guidaient jusqu’à leur arrivée dans la grotte et l’étoile s’arrêta au-dessus de la tête de l’enfant.

Cette nouvelle alarma Hérode qui dépêcha des serviteurs auprès des mages. Il convoqua aussi les grands prêtres et les interrogea au prétoire : «  Qu’est-il écrit sur le Christ ? demanda-t-il. Où doit-il naître ?  » Ils répondirent : « À Bethléem en Judée. Ainsi est-il écrit. » Et il les congédia.

Puis il interrogea les mages, leur disant : «  Quel signe avez-vous vu au sujet du roi nouveau-né ? » Et les mages répondirent : «  Nous avons vu une étoile géante, parmi les autres constellations, si éblouissante qu’elle les éclipsait toutes. Ainsi avons-nous compris qu’un roi était né à Israël et nous sommes venus l’adorer. »

Hérode leur dit : «  Partez à sa recherche, et si vous le trouvez, faites-le moi savoir afin que moi aussi j’aille l’adorer. »

Les mages partirent. Et voici, l’astre qu’ils avaient vu en Orient les conduisit jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à la grotte, et au-dessus de la tête de l’enfant, il s’arrêta.

Quand ils l’eurent vu là, avec Marie sa mère, les mages tirèrent des présents de leurs sacs, or, encens et myrrhe.

Mais comme l’ange les avait avertis de ne pas repasser par la Judée, ils rentrèrent chez eux par un autre chemin.

Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, se mit en colère et envoya des tueurs avec mission de faire périr tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans.

Quand Marie apprit ce massacre, saisie d’effroi, elle prit l’enfant, l’emmaillota et le cacha dans une mangeoire à bétail.

Élisabeth, qui avait appris que l’on cherchait Jean, l’emporta et gagna la montagne, et elle regardait à la ronde où le dissimuler mais elle n’apercevait point de cachette. Alors elle se mit à gémir, disant : « Montagne de Dieu, accueille une mère et son enfant ! » Car la frayeur l’empêchait de monter. Aussitôt la montagne se fendit et la reçut en son sein, tout en laissant filtrer une clarté pour elle. Car un ange du Seigneur était avec eux et il les protégeait.

Protévangile de Jacques XXI, 1‑XXII, 3

Deux ans après, des mages, porteurs de riches présents, vinrent de l’Orient à Jérusalem. Instamment, ils interrogeaient les juifs, disant : « Où est le roi qui nous est né ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous venons l’adorer. » Ces paroles parvinrent au roi Hérode et l’effrayèrent tellement qu’il convoqua les scribes, les pharisiens et les docteurs du peuple, et leur demanda où les prophètes, avaient prédit que le Christ devait naître. Et ils dirent : « A Bethléem. Car voici ce qui est écrit : “ Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les clans de Juda, car de toi sortira le chef qui doit gouverner mon peuple Israël. ‘” Alors, le roi Hérode appela les mages chez lui et s’enquit avec soin des circonstances dans lesquelles l’étoile leur était apparue, et il les envoya à Bethléem en disant : « Allez, et quand vous l’aurez trouvé, venez me le dire afin que moi aussi j’aille l’adorer. »

Or, pendant que les mages étaient en chemin, l’étoile leur apparut et, comme pour leur servir de guide, elle les précédait jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés à l’endroit où était l’enfant. Or, voyant l’étoile, les mages eurent grande joie et, entrés dans la maison, ils trouvèrent l’enfant Jésus assis sur les genoux de Marie. Alors, ils ouvrirent leurs trésors et donnèrent de très riches présents à Marie et à Joseph, mais à l’enfant lui-même ils offrirent chacun une pièce d’or. Et l’un offrit en outre de l’or, le deuxième de l’encens ci le troisième de la myrrhe. Et quand ils voulurent s’en retourner vers Hérode, ils furent avertis dans un songe de ce qu’Hérode avait en vue. Alors, ils adorèrent une seconde fois l’enfant et, tout joyeux, retournèrent dans leur pays par un autre chemin.

Mais, quand le roi Hérode s’aperçut qu’il avait été joué par les mages, son cœur s’enflamma et, lançant ses hommes sur toutes les routes, il projeta de les faire prisonniers. Et, comme il ne parvint pas à les trouver, il envoya ses sbires à Bethléem et fit tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous, se fondant sur la date dont il s’était enquis auprès des mages.

Mais, la veille de ce massacre, Joseph fut averti par un ange du Seigneur : « Prends Marie et l’enfant et, par la route du désert, rends-toi en Égypte. »

Évangile du Pseudo‑Matthieu XVI‑XVII