
Portail Sainte-Anne © Julie de Lagaye
Élection de Joseph comme époux de Marie
Marie grandit dans le Temple, toutefois, comme elle allait entrer en adolescence, elle ne pouvait rester au Temple — le sang de ses menstruations risquait de souiller le sanctuaire — c’est pourquoi les prêtres du Temple décident de lui trouver un époux. Mais comment le choisir ?
Le grand prêtre — appelé Zacharie dans le Protévangile, Abiathar dans le Pseudo‑Matthieu ou apparemment Isacahr pour le Livre de la Nativité — propose un tirage au sort pour savoir quel est l’homme qui épousera Marie.
Un premier tirage au sort désigne que l’élu sera issu de la tribu de Juda. Tous les hommes non mariés — mais aussi les veufs — de cette tribu sont donc convoquées. Reste à savoir qui sera l’élu. Celui‑ci devra accomplir cette prophétie d’Isaïe :
Tous les hommes concernés apportent donc leur bâton au Temple mais aucun d’eux ne fleurit. Les prêtres appellent Joseph qui, estimant qu’il est un vieillard et a déjà des fils — ce qui peut expliquer la mention des frères de Jésus dans les évangiles (Mc 6, 3 ; Mt 13, 55‑56) — n’ose point s’occuper de son bâton. Quand il l’apporta, celui-ci fleurit et une colombe, symbole de l’Esprit‑Saint, apparut. Conformément à la prophétie, Joseph pouvait donc accueillir Marie avec lui.
Les marques de l’élection divine
L’élection par un bâton fleuri se retrouve dans plusieurs passages bibliques, notamment lors de l’élection du Grand Prêtre Aaron, de la tribu de Lévi (Nb 16, 16‑23).
De même, le sceptre des rois de France, terminé par une fleur de lys, était la marque visible de leur élection divine, ils étaient roi « par la grâce de Dieu ».
La colombe est l’apparence prise par l’Esprit‑Saint lors du baptême du Christ (Mc 1,10 ; Mt 3, 16 ; Lc 3, 22). Une colombe serait également apparue lors du baptême de Clovis pour apporter la Sainte Ampoule, contenant le Saint Chrême, huile nécessaire au sacre.
Ainsi, que ce soit Joseph de la tribu de Juda (celle du roi David), ou les rois de France, les signes qui apparaissent sur leur bâton — marque de leur autorité — symbolisent à la fois le pouvoir sacerdotal avec la colombe divine qui apporte la force de l’Esprit Saint mais aussi le pouvoir matériel avec la fleur, symbole de la beauté et de la fragilité de la vie à protéger, qui vient de la terre.
Sources apocryphes
Quand elle eut douze ans, les prêtres se consultèrent et dirent : « Voici que Marie a douze ans, dans le temple du Seigneur. Que ferons-nous d’elle, pour éviter qu’elle ne rende impur le sanctuaire du Seigneur notre Dieu ? »
Et ils dirent au grand-prêtre : « Toi qui gardes l’autel du Seigneur, entre et prie au sujet de cette enfant. Ce que le Seigneur te dira, nous le ferons. »
Et le prêtre revêtit l’habit aux douze clochettes, pénétra dans le Saint des Saints et se mit en prière. Et voici qu’un ange du Seigneur apparut, disant : « Zacharie, Zacharie, sors et convoque les veufs du peuple. Qu’ils apportent chacun une baguette. Et celui à qui le Seigneur montrera un signe en fera sa femme. »
Des hérauts s’égaillèrent dans tout le pays de Judée et la trompette du Seigneur retentit, et voici qu’ils accoururent tous.
Joseph jeta sa hache et lui aussi alla se joindre à la troupe. Ils se rendirent ensemble chez le prêtre avec leurs baguettes. Le prêtre prit ces baguettes, pénétra dans le temple et pria. Sa prière achevée, il reprit les baguettes, sortit et les leur rendit. Aucune ne portait de signe. Or Joseph reçut la sienne le dernier. Et voici qu’une colombe s’envola de sa baguette et vint se percher sur sa tête.
Alors le prêtre : « Joseph, Joseph, dit-il, tu es l’élu : c’est toi qui prendras en garde la vierge du Seigneur. »
Mais Joseph protesta : « J’ai des fils, je suis un vieillard et elle est une toute jeune fille. Ne vais-je pas devenir la risée des fils d’Israël ? »
« Joseph, répondit le prêtre, crains le Seigneur ton Dieu, et souviens-toi du sort que Dieu a réservé à Dathan, Abiron et Corê. La terre s’entrouvrit et les engloutit tous à la fois, parce qu’ils lui avaient résisté. Et maintenant, Joseph, crains de semblables fléaux sur ta maison ! »
Mais il arriva qu’elle eut quatorze ans, et pour les Pharisiens c’était l’occasion de dire qu’à cause de son état de femme Marie ne pouvait pas demeurer dans le Temple de Dieu. On prit alors la résolution d’envoyer un héraut dans toutes les tribus d’Israël afin que toutes se réunissent trois jours après dans le Temple du Seigneur. Et, quand tout le monde fut réuni, le grand prêtre Isachar se leva et monta jusqu’aux dernières marches pour être vu et entendu de tout le peuple. Après qu’un grand silence se fut fait, il dit : « Écoutez-moi, fils d’Israël, et ouvrez vos oreilles à mes paroles. Depuis que ce Temple a été construit par Salomon, des filles de rois et de prophètes et de grands prêtres et de pontifes y ont demeuré et se sont montrées grandes et admirables. Cependant, arrivées à l’âge légal, elles ont obtenu des hommes en mariage, et, en se conformant à l’usage des générations précédentes, elles ont plu à Dieu. Seule Marie a trouvé une nouvelle manière d’agir, celle de vivre à l’écart des autres, car elle a fait à Dieu le vœu de rester vierge. Il me semble donc que nous devons chercher à connaître, par notre questionnement et par la réponse de Dieu, à qui elle doit être donnée à garder. »
Toute la synagogue acquiesça à ces paroles, et les prêtres tirèrent au sort entre les douze tribus, et le sort tomba sur la tribu de Juda. Et tous exhortèrent la tribu de Juda, disant que le lendemain ceux qui étaient sans épouse devaient venir un rameau à la main. C’est pourquoi Joseph, bien qu’âgé au milieu des jeunes gens, apporta son rameau. Après qu’ils eurent remis leurs rameaux dans les mains du grand prêtre, celui-ci présenta une offrande à Dieu et interrogea le Seigneur, et le Seigneur lui dit : « Mets les rameaux de tous dans le Saint des saints et qu’ils y demeurent. Et dis aux gens de revenir demain matin pour les reprendre. Du sommet d’un rameau sortira une colombe, et elle s’envolera vers les cieux. Celui qui aura en main le rameau dont sortira ce prodige, c’est à lui que tu confieras la garde de Marie. »
Ainsi donc, le lendemain de bonne heure, ils vinrent tous. Et, ayant présenté l’offrande d’encens, le grand prêtre entra dans le Saint des saints et en sortit les rameaux. Après qu’il les eut distribués à chacun et que d’aucune branche ne fut sortie de colombe, le grand prêtre Abiathar se revêtit des douze clochettes du sacerdoce et, entré dans le Saint des saints, il alluma le feu du sacrifice et y exhala une prière. Alors, un ange lui apparut et dit : « Il y a ici un rameau tout petit que tu as négligé et que tu n’as pas sorti avec les autres. Quand tu l’auras sorti et donné, il manifestera le signe dont je t’ai parlé. » Or c’était le rameau de Joseph qu’on avait négligé, parce qu’il était vieux et ne pouvait prendre Marie. Mais lui-même ne voulait pas réclamer son rameau. Et, comme il était là, au dernier rang, tout humble, le grand prêtre Abiathar l’appela à haute voix et dit : « Viens et prends ton rameau, car tu es attendu. » Et Joseph s’approcha tout apeuré, car le chef des prêtres l’avait appelé à haute voix. Mais, dès qu’il eut tendu la main et pris son rameau, soudain une colombe sortit du sommet de la branche, plus blanche que la neige, extrêmement belle, et, après avoir volé un moment sous la voûte du Temple, elle gagna les cieux.
Alors, le peuple tout entier félicita le vieillard en disant : « Tu as obtenu le bonheur dans ta vieillesse, de sorte que Dieu t’a désigné comme digne de recevoir Marie. » Mais, quand les prêtres lui dirent : « Prends-la, car de toute ta tribu toi seul as été élu par Dieu », Joseph se mit à leur témoigner son respect, et à les supplier, et à dire avec déférence : « Je suis un vieillard et j’ai des fils, pourquoi me donnez-vous cette fillette, ma petite-fille d’après son âge, et qui est même plus jeune que mes propres petits-enfants ? » Alors, Abiathar, le chef des grands prêtres, dit : « Souviens-toi, Joseph, comment Dathan, Coré et Abiram ont péri, pour avoir méprisé la volonté du Seigneur. Tu auras le même sort si tu méprises obstinément ce que Dieu t’ordonne. » Et Joseph lui dit : « Moi, je ne méprise pas la volonté de Dieu, mais je serai son gardien jusqu’à ce que l’on puisse savoir, de par la volonté de Dieu, qui de mes fils peut l’avoir comme femme. Qu’on lui donne quelques jeunes filles d’entre ses compagnes avec lesquelles elle demeure entre-temps. » Et le grand prêtre Abiathar répondit en disant: « Oui, des jeunes filles lui seront données pour l’entourer, jusqu’à ce que vienne le jour fixé où tu puisses la recevoir. Car elle ne pourra pas être unie en mariage à un autre. »
Elle atteignit sa quatorzième année de telle façon que non seulement les méchants ne pouvaient rien trouver à lui reprocher, mais qu’aussi tous les bons qui la connaissaient jugeaient dignes d’admiration sa vie et sa conduite. Alors, le grand prêtre ordonna publiquement aux vierges qui étaient instruites dans le Temple et qui avaient accompli cette période de leur jeunesse de rentrer à la maison, de se préparer au mariage, selon la coutume de la nation et la maturité de leur âge. Tandis que les autres obéissaient docilement à cet ordre, seule Marie, la Vierge du Seigneur, répondit qu’elle ne pouvait faire cela, puisque ses parents l’avaient consacrée au service du Seigneur et qu’en plus elle avait elle-même voué au Seigneur sa virginité, qu’elle ne pourrait jamais outrager en s’unissant à un homme. Le grand prêtre était dans la détresse, parce qu’il pensait que, l’on ne devait pas violer une promesse en s’opposant à l’Écriture qui dit : « Faites des vœux et acquittez-vous-en », et parce qu’il n’osait pas non plus introduire une coutume étrangère à la nation. Aussi prescrivit-il qu’à la fête qui était imminente tous les notables de Jérusalem et des lieux voisins soient présents, afin qu’il sache, grâce à leur conseil, ce qu’il fallait faire dans un cas si douteux. C’est ce qui fut fait, et tous décidèrent en commun que le Seigneur devait être consulté à ce sujet. Et, alors que les autres se prosternaient pour prier, le grand prêtre alla faire la consultation selon la coutume. Et, sans tarder, une voix venant de l’oracle et du lieu du propitiatoire se fit entendre à tous, disant qu’il fallait avoir recours à la prophétie d’Isaïe pour savoir à qui la Vierge devait être confiée et accordée en mariage. Isaïe a dit : « Un rameau sortira de la racine de Jessé, et une fleur poussera de sa racine, et sur elle reposera l’esprit du Seigneur, esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de piété, et l’esprit de crainte du Seigneur la remplira. » Ainsi donc, selon cette prophétie, tous les membres de la maison et de la famille de David en état de se marier et non mariés apporteraient leur rameau à l’autel ; et, si un petit rameau fleurissait après l’offrande et si sur sa pointe prenait place l’Esprit du Seigneur sous la forme d’une colombe, ce serait à son possesseur que la Vierge devait être confiée et accordée en mariage.
Parmi les personnes présentes se trouvait Joseph, un homme de la maison et de la famille de David, dont la femme était défunte et qui avait des enfants déjà jeunes gens. Comme il lui semblait inconvenant d’épouser une fille d’un âge si tendre, alors qu’il avait des fils plus âgés, il fut le seul à retenir son rameau alors que les autres apportaient le leur selon l’oracle. Et, comme, par conséquent, il n’apparaissait rien de conforme à la voix divine, le grand prêtre pensa qu’il fallait consulter une nouvelle fois le Seigneur. Celui-ci répondit que le seul de tous les désignés à ne pas avoir apporté son rameau était celui à qui la Vierge devait être accordée en mariage. Ainsi découvert, Joseph apporta son rameau ; et, lorsque celui-ci fleurit aussitôt et qu’une colombe venant du ciel prit place sur sa pointe, il fut clair aux yeux de tous que c’était à lui que la Vierge devrait être accordée en mariage.